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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 116

Le jeudi 4 mars 1999
L'honorable Fernand Robichaud, Président suppléant


LE SÉNAT

Le jeudi 4 mars 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président suppléant, l'honorable Fernand Robichaud, étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée internationale de la femme

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour vous informer qu'un grand événement aura lieu la semaine prochaine.

En effet, le lundi 8 mars 1999 est la Journée internationale de la femme. C'est pour nous l'occasion de célébrer les réalisations des Canadiennes et leurs précieux apports à notre société.

Cette année, la Semaine internationale de la femme a pour thème «Les femmes âgées d'aujourd'hui: dynamiques et pleines de vie». L'objectif de la campagne de cette année est d'accroître la compréhension, l'harmonie et le soutien mutuel entre générations afin de mieux souligner les apports des personnes âgées à leurs familles et à leurs collectivités, et d'encourager tous les secteurs de la société à se préoccuper davantage du sort de la population vieillissante dans un monde en rapide évolution.

Honorables sénateurs, la Semaine internationale de la femme est l'occasion pour tous les Canadiens de s'attaquer avec une énergie renouvelée à la tâche qui consiste à assurer des chances égales à toutes les femmes, quel que soit leur âge. Tous les Canadiens, jeunes et vieux, peuvent contribuer à l'amélioration de la société. Il nous faut combattre les mythes et les stéréotypes concernant le vieillissement. Nous devons mettre l'accent sur des approches réalistes de la population de personnes âgées, sur le processus du vieillissement et sur les avantages que tous les Canadiens ont à continuer de mener une vie active au fur et à mesure qu'ils vieillissent.

Les femmes âgées du Canada ont fourni et continuent de fournir des apports extraordinaires dans tous les domaines. C'est ainsi qu'à l'âge de 70 ans, Martha Munger Black est devenue la deuxième femme à être élue à la Chambre des communes, où elle est intervenue activement dans les dossiers de la santé publique, des pensions versées aux handicapés visuels et de la protection de la nature.

Son Excellence la très honorable Jeanne Sauvé, a été, à l'âge de 62 ans, la première femme à devenir Gouverneur général du Canada. En 1949, l'honorable Cairine Wilson, la première femme sénateur, a été, à l'âge de 63 ans, la première femme déléguée à l'Assemblée générale des Nations Unies.

Helen Kalvak, une Inuit de Coppermine, a commencé son éminente carrière artistique dans les années 60 et est rapidement devenue membre de l'Académie canadienne des beaux-arts. Avant sa mort, à l'âge de 83 ans, elle avait produit plus de 3 000 oeuvres d'art évoquant le mode de vie traditionnel de son peuple.

Honorables sénateurs, ce ne sont là que quelques exemples de femmes qui ont fait une contribution considérable à la société canadienne. Un nombre considérable de femmes continuent aujourd'hui à faire une contribution à notre société. Certaines viendront à être connues, d'autres pas. Rendons hommage à toutes les femmes, jeunes et vieilles, qui se sont acquis notre respect et notre admiration par leur courage, leur compassion et leur dévouement.

La santé

La lutte contre les maladies liées au tabac-Les voyages en Californie et au Massachusetts

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, j'invoque les règles de procédure du comité de la régie interne pour faire rapport d'un voyage que j'ai effectué à l'extérieur du pays.

Le 25 janvier dernier, je suis allé en Californie. Mes honorables collègues doivent savoir que j'ai jumelé ce voyage avec une visite faite en Colombie-Britannique pour rencontrer des représentants de la Société canadienne du cancer et les médecins hygiénistes du gouvernement provincial et pour prononcer une allocution devant le conseil d'administration de la British Columbia Lung Association.

Avec la permission du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, j'ai ensuite pris l'avion pour Sacramento, où j'ai passé huit heures au cours desquelles j'ai eu cinq réunions et rencontré le chef de la direction de la lutte contre le cancer, le chef de l'analyse des données, le chef de l'unité des programmes locaux ainsi que le chef du service de la planification, tous fonctionnaires du département californien des services de santé, qui est l'auteur de la proposition 99.

Je rappelle aux honorables sénateurs que la Californie a réduit son taux de tabagisme de 38 p. 100 en trois ans et que le taux de tabagisme chez les jeunes y est actuellement de 11 p. 100, comparativement à 30 p. 100 au Canada.

(1410)

Le comité m'a également autorisé à me rendre au Massachusetts. Cet État a mis sur pied un intéressant programme de lutte au tabagisme qui a permis de réduire la consommation de cigarettes de 40 p. 100 en quatre ans. Quarante pour cent moins de cigarettes fumées en quatre ans. Mon séjour dans cet État a duré 28 heures en tout. Pendant ce temps, j'ai rencontré l'administrateur du programme de contrôle du tabagisme du Massachusetts et des représentants de la compagnie de publicité qui a participé à la mise sur pied du programme.

J'ai eu en tout neuf réunions au cours desquelles j'ai rencontré 20 personnes représentant divers groupes, à savoir l'American Cancer Society, Arnold Communications, la Tobacco Control Quit Line, le Tobacco Product Liability Group, le Stop Teenage Addiction to Tobacco, la Massachusetts Education Clearing House, le Boston Prevention Centre et Churches Organized to Stop Tobacco.

Je suis heureux d'informer le Sénat que ce voyage ne m'a retenu à l'extérieur du pays que pendant 28 heures.

Le Maple Leaf Gardens

L'historique de la patinoire de l'équipe de hockey des Maple Leafs de Toronto

L'honorable Frank Mahovlich: Honorables sénateurs, je voudrais vous entretenir aujourd'hui de la fermeture d'une institution. Conn Smithe a acheté l'équipe des Maple Leafs de Toronto en 1927. Il venait d'être congédié comme gérant des Rangers de New York lorsqu'il a acheté les St. Pats de Toronto, équipe qu'il a ensuite rebaptisée «Maple Leafs» de Toronto.

Lorsqu'il a fallu trouver des fonds pour construire le Maple Leaf Gardens, il a frappé à la porte du gestionnaire de société minière J.P. Bickell, qui avait aussi construit la patinoire McIntyre, à Schumacher, où il était le directeur général de la mine d'or McIntyre. Si je parle de la patinoire McIntyre, honorables sénateurs, c'est que j'y ai fait mes débuts de joueur de hockey. C'est à Schumacher que Bickell a construit un centre communautaire à l'intention de tous les mineurs afin que le moral soit bon dans cette localité du Nord.

Lorsque les Maple Leafs de Toronto ont dû quitter le centre sportif de Mutual Street, Conn Smythe a encore fait appel à la générosité de M. Bickell. C'était le temps de la Dépression et il fallait de l'argent pour construire le Maple Leaf Gardens. Dans un article publié, le 17 février 1999, dans le Globe and Mail, Trent Frayne raconte comment Smythe a construit le Gardens:

Smythe n'était jamais obséquieux lorsqu'il sollicitait l'aide de magnats de l'industrie pour la construction d'une nouvelle patinoire.

Il poursuit:

C'est ainsi que Smythe a été loué pendant des décennies pour avoir eu l'audace de décider au début de la Grande Dépression que son équipe de hockey avait tout simplement besoin d'une nouvelle patinoire [...]. Smythe était un gars très persuasif.

Même si c'était la Dépression, Bickell est devenu l'assistant de Conn Smythe en appelant des amis haut placés qui les ont appuyés. Des actions du Gardens ont été vendues aux travailleurs qui ont participé à sa construction - et je dois dire que beaucoup d'Italiens ont pris part à la construction du Maple Leaf Gardens et ont acheté des actions de cette entreprise. Avec l'aide du président de la Banque de commerce, sir John Aird, la banque a fourni le reste de l'argent et le Gardens a été construit.

En l'honneur de J.P. Bickell, le conseil d'administration a voté en faveur de la création du trophée du «joueur le plus utile», qui est aujourd'hui encore l'un des plus prestigieux qu'un joueur des Maple Leafs puisse remporter. Quant à Conn Smythe, l'hommage qu'on lui rend prend la forme du trophée du joueur le plus utile pendant les éliminatoires de la coupe Stanley. Ce trophée est une réplique du Maple Leaf Gardens.

Le dernier match à avoir lieu au Gardens a été disputé le 13 février devant 104 anciens joueurs, dont moi-même. Ironiquement, les Black Hawks de Chicago y ont joué la dernière partie comme ils y avaient joué la première... et l'ont remportée comme ils avaient remporté la première.


AFFAIRES COURANTES

Le Code criminel
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable Lorna Milne, présidente du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le jeudi 4 mars 1999

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

VINGT-DEUXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 3 décembre 1998, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement mais avec les observations suivantes:

Le comité accepte les amendements proposés à l'article 5 et au paragraphe 18(2), adoptant les paragraphes du Code criminel 186(5.1) et (5.2) et 492.1(5) respectivement, qui prévoient l'enlèvement autorisé par un juge des dispositifs de surveillance électronique après l'expiration de la période prescrite de surveillance. Les amendements proposés ajoutent une mesure de précision au processus d'autorisation, qu'on ne trouve pas dans la loi actuelle. Comme certains membres du comité s'interrogent sur le niveau de précision donné, le comité propose que le gouvernement réexamine cet aspect plus à fond et fasse une étude de la politique ou de la loi concernant le respect de la vie privée, qui comprend la question de la surveillance électronique.

Deux éléments particuliers peuvent être pris en considération dans ce contexte. On a fait valoir que, même si la loi prévoit actuellement l'enlèvement des dispositifs de surveillance et que la police demande en général leur enlèvement le plus rapidement possible après la conclusion d'une enquête, il n'existe pas de disposition spécifique exigeant l'enlèvement d'un dispositif lorsqu'il n'est plus nécessaire. On pourrait envisager de prendre une disposition à cet effet, tout en considérant la nécessité concrète de protéger les enquêtes et les techniques d'enquête. On a également fait remarquer qu'il existe des dispositions détaillées établissant les modalités régissant l'installation des dispositifs et les modalités de la surveillance autorisée, mais que l'amendement indique seulement que le juge qui donne l'autorisation d'enlever un dispositif doit le faire «selon les modalités qu'il estime opportunes». On pourrait penser à prendre des dispositions plus détaillées concernant l'enlèvement du dispositif, peut-être lorsque l'application judiciaire des nouvelles dispositions aux cas qui se présenteront sera mieux connue.

Le comité a reçu des témoignages sur l'expansion considérable du jeu au Canada au cours des dernières décennies, notamment au cours des 15 dernières années. On nous a dit que cette expansion avait eu lieu sans examen approfondi des aspects sociaux, économiques et juridiques du jeu et du jeu de bienfaisance. Les membres du comité sont inquiets devant le fait que des décisions concernant le jeu soient prises sans information suffisante. Comme nous estimons que c'est là une question sur laquelle il faut se pencher, nous encourageons le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces, à mettre sur pied un groupe d'enquête publique indépendant chargé d'examiner les répercussions de l'industrie du jeu au Canada sur l'économie, les collectivités locales, les particuliers et le développement humain et social. Le comité souligne que l'avènement du jeu sur le réseau Internet rend la création de ce groupe d'enquête d'autant plus nécessaire. Nous notons que le Congrès américain est lui aussi préoccupé par les répercussions du jeu. En juin 1996, il a chargé une commission indépendante, la National Gambling Impact Study Commission, de procéder à une étude juridique et factuelle complète des répercussions sociales et économiques du jeu sur les gouvernements, les collectivités et les institutions à vocation social, y compris les individus, les familles et les entreprises qui les composent. Cette commission devrait présenter les conclusions de ses travaux en juin 1999.

Respectueusement soumis,

La présidente,
LORNA MILNE

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Milne, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Privilèges, Règlement et procédure

Présentation du huitième rapport du comité

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le huitième rapport du comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure concernant les comités mixtes.

Le jeudi 4 mars 1999

Le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure a l'honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Conformément au mandat que lui confère l'article 86(1)f)(i) du Règlement du Sénat, votre comité a étudié l'établissement d'une série de règles de procédure communes pour les comités mixtes du Sénat et de la Chambre des communes. Cette étude s'est fondée sur les recommandations formulées durant la dernière législature par un groupe de travail informel dont faisaient partie les sénateurs Gauthier et Grimard, représentant votre comité.

De l'avis de votre comité, il serait fort utile d'établir des règles communes s'appliquant aux comités mixtes. Vous trouverez en annexe un projet de règlement et de procédures pour les comités mixtes, tel qu'adopté par votre comité.

Comme certaines différences mineures persistent dans les versions approuvées par votre comité et par le comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes, votre comité estime que ces différences auraient intérêt à être réglées par les présidents du Sénat et de la Chambre des communes.

Votre comité recommande donc:

a) Que le Président du Sénat engage des pourparlers avec le Président de la Chambre des communes dans le but d'adopter un règlement et des règles de procédure propres aux comités mixtes des deux Chambres, en s'inspirant de ceux qui figurent en annexe;

b) Et que votre comité approuve tout changement apporté au texte en annexe avant que celui-ci soit présenté au Sénat pour approbation finale.
Respectueusement soumis,

La présidente,
SHIRLEY MAHEU

(Le texte de l'annexe A figure en annexe dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1322)

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Maheu, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à mardi prochain, le 9 mars 1999, à 14 heures.

Son Honneur le Président suppléant: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Projet de loi d'intérêt privé

la Loi concernant l'Association des comptables généraux accrédités du Canada-Première lecture

L'honorable Michael Kirby présente le projet de loi S-25, Loi concernant l'Association des comptables généraux accrédités du Canada.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Kirby, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du jeudi 18 mars 1999.)

(1420)

Le Forum parlementaire de l'Asie-Pacifique

Dépôt du rapport de la septième rencontre annuelle tenue à Lima (Pérou)

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 23(6) du Règlement et au nom du sénateur Hays, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-Japon qui a participé à la septième rencontre annuelle du Forum parlementaire de l'Asie-Pacifique tenue du 11 au 14 janvier 1999, à Lima, au Pérou.

Les affaires étrangères

Les réformes du Fonds monétaire international-Avis de motion autorisant le comité à faire une étude, à engager du personnel et à se déplacer

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mardi 9 mars 1999, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à examiner les réformes possibles du Fonds monétaire international, surtout en ce qui concerne ses activités de surveillance économique et financière et ses pratiques d'octroi de prêts, et qu'il soit également autorisé à faire rapport sur la question, et sur d'autres aspects du commerce et des finances au niveau international;

Que le comité ait le pouvoir de recourir aux services de conseillers, de spécialistes, d'employés de bureau et de tout personnel qu'il jugera nécessaire pour effectuer les travaux définis dans l'ordre de renvoi;

Que le comité ait le pouvoir de se déplacer à l'intérieur et à l'extérieur du Canada; et

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 31 mars 2000; et que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenus dans son rapport final et ce jusqu'au 22 avril 2000.

La politique et les intérêts du Canada concernant la Russie, l'Ukraine et la région de la mer Caspienne-Avis de motion autorisant le comité à faire une étude, à engager du personnel et à se déplacer

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mardi 9 mars 1999, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à examiner la politique et les intérêts du Canada concernant la Russie, l'Ukraine et la région de la mer Caspienne;

Que le comité ait le pouvoir de recourir aux services de conseillers, de spécialistes, d'employés de bureau et de tout personnel qu'il jugera nécessaire pour effectuer les travaux définis dans l'ordre de renvoi;

Que le comité ait le pouvoir de se déplacer à l'intérieur et à l'extérieur du Canada; et

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 31 mars 2000; et que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenus dans son rapport final et ce jusqu'au 22 avril 2000.

Autorisation au comité de participer à une rencontre concernant les problèmes de désarmement nucléaire et de permettre la diffusion de ses délibérations par les médias électroniques

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à participer à une réunion conjointe avec le comité permanent de la Chambre des communes sur les affaires étrangères et le commerce international, le mercredi 10 mars 1999 à 15 h 30, sur la question du désarmement nucléaire; et

Que le comité soit autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électronique de manière à déranger le moins possible ses travaux.

Son Honneur le Président suppléant: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

L'honorable Donald H. Oliver: Le sénateur Stewart pourrait-il nous dire s'il est d'usage courant de tenir des séances conjointes avec un comité semblable de l'autre endroit? Par ailleurs, la rencontre aura-t-elle lieu dans la salle où le comité sénatorial des affaires étrangères se réunit habituellement ou dans celle d'un comité de la Chambre des communes?

Le sénateur Stewart: Je ne dirais pas qu'il est d'usage courant de tenir des réunions conjointes qui visent certains objectifs nouveaux et particuliers. Il y a toutefois des précédents à ma demande. Il y a déjà eu des réunions spéciales conjointes.

Dans ce cas-ci, les circonstances sont les suivantes: en décembre 1998, le comité de la Chambre des communes a produit un rapport sur le désarmement nucléaire. Il a maintenant pris des dispositions pour inviter des Américains éminents à venir discuter des répercussions de ce rapport. Il me semble que le Sénat devrait profiter de cette occasion.

Son Honneur le Président suppléant: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Ce côté-ci est d'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

La semaine internationale de la femme

La participation des femmes aux institutions législatives-Avis d'interpellation

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, je donne avis que mardi prochain, le 9 mars 1999, j'attirerai l'attention du Sénat sur la Semaine internationale de la femme, et sur la participation des femmes aux institutions législatives au Canada, aux niveaux fédéral et provincial, et particulièrement au Sénat du Canada.
[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le solliciteur général

La descente de la GRC au domicile du premier ministre de la Colombie-Britannique en présence des médias-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, ce n'est pas tous les jours que nous avons l'occasion de défendre les membres d'autres partis politiques. Toutefois, compte tenu de ce qui s'est passé en Colombie-Britannique, il nous semble nécessaire de poser des questions au premier ministre relativement à la descente effectuée par la GRC à la résidence du premier ministre Glen Clark. Abstraction faite des allégations d'infractions portées contre ce dernier, nous nous demandons combien d'autres Canadiens s'offusquent qu'on ait montré à la télévision nationale les policiers en train d'exécuter un mandat de perquisition.

Ma question a trait à la façon dont ces incidents se sont produits. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous expliquer pourquoi cette visite de la GRC, qu'on parle de descente ou de perquisition, est devenue un événement médiatique? Fera-t-on enquête sur la conduite de la GRC dans ce dossier?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme l'honorable sénateur Kinsella le sait très bien, le gouvernement du Canada n'intervient pas dans les opérations policières. Je crois avoir déjà souligné notre politique à cet égard.

Je ne saurais expliquer comment les médias sont arrivés sur les lieux au moment où la GRC exécutait le mandat de perquisition. Je laisserai aux autorités compétentes le soin de faire enquête à ce sujet. Si une demande d'enquête était transmise aux autorités compétentes, je suis persuadé qu'on y donnerait suite. Je ne peux rien ajouter de plus que ce que j'ai vu à la télévision ou lu dans les journaux.

Le sénateur Kinsella: Je remercie le leader du gouvernement pour sa réponse. J'en déduis que, comme nous tous, il a été très étonné d'être témoin de cet incident à la télévision nationale.

(1430)

En ce qui concerne la responsabilité du gouvernement à l'égard de questions de la sorte, on peut invoquer le vieux principe: Quis custodiet ipsos Custodes. Qui garde les gardiens? Nous, en tant que parlementaires, ne saurions en faire abstraction. Nous devons peut-être nous demander quelle est la responsabilité du Parlement à l'égard de ces questions.

Le gouvernement estime-t-il que la GRC n'a pas de comptes à rendre au solliciteur général et, par son intermédiaire, au Parlement?

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, à Walt Disney.

Le sénateur Graham: Le sénateur Lynch-Staunton vient de donner son interprétation de la question. J'ignore si elle sera consignée dans le hansard.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je l'espère, car votre façon de traiter la question est digne de la souris Mickey.

Le sénateur Graham: Je répète que la GRC agit de façon indépendante. Je n'arrive pas à comprendre comment il se fait que les médias se soient trouvés sur les lieux. À mesure que la situation évoluera, nous obtiendrons sûrement d'autres éclaircissements sur la vigilance des médias à ce moment-là et sur la façon dont ils ont été informés de la délivrance d'un mandat de perquisition. Nous n'avons pas encore trouvé la réponse à cette question. C'est peut-être par pur hasard qu'ils se trouvaient là. Il est possible que la presse soit très à l'affût et fort vigilante. Je ne suis au courant d'aucun lien entre les gestes de la GRC et le fait que la presse soit apparue sur les lieux au même moment. Autrement dit, nous n'avons en ce moment aucune indication que la GRC ait prévenu la presse de cette perquisition.

Le sénateur Kinsella: Le gouvernement du Canada, par l'entremise du solliciteur général, demandera-t-il au commissaire de la GRC de faire rapport sur cette question? Dans l'affirmative, ce rapport sera-t-il déposé au Sénat?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, si je peux obtenir un tel rapport, je serai très heureux de le déposer dans cette Chambre. Si une plainte doit être déposée, elle doit l'être d'abord par le premier ministre de la Colombie-Britannique, car il s'agit de la personne lésée dans cette affaire.

Je propose à mon honorable collègue d'attendre de voir comment la situation évoluera.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je voudrais que le leader du gouvernement au Sénat demande à son collègue, le solliciteur général, de demander au commissaire de la GRC de mener une enquête à ce sujet.

Le sénateur Graham: Je serai heureux de transmettre la demande de l'honorable sénateur Kinsella à mon collègue.

La descente de la GRC au domicile du premier ministre de la Colombie-Britannique en présence des médias-La compétence du procureur général provincial-La position du gouvernement

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, sauf erreur, la GRC est une force policière fédérale, mais n'est-il pas exact de dire que l'administration de la justice est, aux termes de la Constitution, un domaine qui relève des provinces?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): La réponse est oui.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): N'est-il pas juste également de penser que le mandat de la GRC, qui est géré par le commissaire de la GRC, se trouve à être la responsabilité directe du solliciteur général qui, à son tour, est redevable devant le Parlement? Du moins faut-il l'espérer, car le gouvernement actuel ne semble vouloir rendre de comptes à personne.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je pense que le mandat général est la responsabilité du gouvernement du Canada. Quant à l'exécution des tâches comme telles, cela relève de chacune des provinces.

Le sénateur Lynch-Staunton: Comme dans le cas du sommet de l'APEC, donc? Faut-il en imputer la faute à la province?

Le sénateur Graham: Si le sénateur veut revenir sur le sommet de l'APEC, nous n'y voyons pas d'objection.

La défense nationale

La disponibilité de fonds à long terme pour l'entretien des hélicoptères Sea King-Le remboursement à la base Shearwater sur le fonds de réserve-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, il me déplaît d'interrompre cette discussion, mais j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Il s'agit en quelque sorte d'une question complémentaire à mes questions précédentes sur l'entretien des hélicoptères Sea King.

Le Sea King qui a été envoyé dans le golfe Persique avec le NCSM Toronto a subi plusieurs modifications avant le départ. On m'a dit que l'on avait informé la base Shearwater que le paiement de ces modifications proviendrait d'un - et je cite, pour être certain que l'on comprenne bien le terme - «budget de guerre» central.

Cependant, la base Shearwater a été avisée que ces modifications devraient être payées sur son budget d'entretien. L'entretien à long terme a été reporté d'un an et les fonds prévus pour ce poste budgétaire ont été qualifiés d'«à peine suffisants» pour l'entretien.

Le ministre demandera-t-il à son collègue où l'argent de ce «budget de guerre» est allé? Plus important encore, remboursera-t-il à la base Shearwater les fonds qui étaient prévus pour l'entretien et qu'elle a dû consacrer aux modifications du Sea King pour une mission bien précise?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ignore tout des déplacements de fonds d'un poste à un autre, tout comme j'ignore tout du prétendu «budget de guerre» dont parle le sénateur Forrestall. Je serai heureux d'obtenir de plus amples renseignements sur cette question.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je prie le leader du gouvernement de faire mettre ses notes d'information à jour, car il s'agit d'un sujet grave. Nous envoyons des gens en mission avec du matériel qui, nous l'apprenons aujourd'hui par des gens très bien informés, est tout à fait inadapté à la mission et dangereux.

La détention d'observateurs de l'OSCE par les forces serbes au Kosovo-La surveillance de la situation-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, passons à un autre sujet. Encore hier, nous sommes passés à quelques minutes de ce qui ne peut être décrit que comme une guerre locale, lorsque 21 observateurs de l'OSCE ont été faits prisonniers par les forces serbes au Kosovo et détenus pendant 24 heures. La force d'évacuation de l'OTAN, dont le noyau est constitué du 1er bataillon du King's Own Regiment appuyé par les forces italiennes, des hélicoptères et 21 véhicules blindés, était à quelques minutes d'une intervention en force au Kosovo pour protéger ces observateurs.

Le gouvernement du Canada a-t-il pris des mesures pour évacuer nos 23, ou presque, observateurs au Kosovo? Existe-t-il un plan d'urgence pour les évacuer si cela devenait nécessaire?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je veux rassurer les honorables sénateurs: oui, il existe un plan d'urgence. J'ai eu des discussions avec le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense tout juste hier. La situation est suivie de près d'heure en heure.

La Société canadienne d'hypothèques et de logement

Les mesures du budget pour venir en aide aux sans-abri-La position du gouvernement

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, ma question porte sur l'engagement du gouvernement en matière d'habitation. Il y a quelques jours, à proximité de la colline du Parlement, Lynn Maureen Bluecloud, autochtone de 33 ans, enceinte et sans domicile fixe, a été trouvée morte dans le petit parc situé au coin des rues Nicholas et Laurier. La cause du décès était l'hypothermie. Le problème des sans-abri est réel et pourtant, le gouvernement ne fait rien pour s'y attaquer.

Le 11 février, soit le jour où un groupe de Canadiens sans-abri sont venus à Ottawa demander des solutions, le gouvernement a déposé un projet de loi sur le logement. Or, le projet de loi C-66 ne fait rien pour s'attaquer aux problèmes de logement très graves qu'éprouvent de nombreux Canadiens ayant un revenu modeste. Cette mesure autorise plutôt le gouvernement à retirer quelque 200 millions de dollars de la Société canadienne d'hypothèques et de logement d'ici l'an 2002, en imposant ce qui est, à toutes fins utiles, un droit d'utilisation en échange de l'appui de l'État au programme d'assurance hypothécaire de la SCHL, qui s'avère rentable.

Le leader du gouvernement pourrait-il justifier la décision de retirer 200 millions de dollars de la société qui est chargée d'aider les Canadiens à se loger, alors que des milliers de Canadiens sont obligés de coucher dans des refuges chaque soir? Pourrait-il aussi expliquer pourquoi le budget ne fait rien pour régler ce problème?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, si madame le sénateur Cohen examine les dispositions du budget plus attentivement, elle constatera que plusieurs visent les sans-abri. Ce grave problème ne se limite pas à une région du pays, il est généralisé et il soulève beaucoup d'inquiétude.

Par l'intermédiaire de la SCHL, d'organisations et de ministères, le gouvernement a augmenté les fonds pour répondre aux besoins des sans-abri. Nous sommes justement en train d'examiner l'étude commandée par le maire de Toronto, et la SCHL et le gouvernement du Canada parraineront une conférence spéciale qui aura lieu à Ottawa en juin. Je l'ai dit quand le sénateur Cohen a posé une question semblable, il y a quelques semaines.

La question est très importante, et je comprends l'inquiétude de l'honorable sénateur. En fait, j'invite tous ceux qui s'intéressent directement à la question à consulter le sénateur Cohen. J'espère qu'elle nous permettra de profiter de son expérience avant et pendant la conférence.


ORDRE DU JOUR

Le Budget des dépenses de 1999-2000

Autorisation au comité des finances nationales d'étudier le Budget principal des dépenses

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Callbeck,

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses projetées dans le budget des dépenses pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2000, à l'exception du crédit 10 du Parlement et du crédit 25 du Conseil privé.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai présenté cette motion hier. Les sénateurs Stewart et Comeau ont alors demandé si le comité sénatorial permanent des pêches était habilité à recevoir, en lieu et place du comité sénatorial permanent des finances nationales, le budget des dépenses du ministère des Pêches.

Modification de la motion

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Par conséquent, avec la permission du Sénat, conformément à l'article 30 du Règlement, je demande que la motion déposée hier soit amendée de la façon suivante:

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses projetées dans le budget des dépenses pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2000, à l'exception des crédits 1, 5 et 10 de Pêches et Océans, du crédit 10 du Parlement et du crédit 25 du Conseil privé.

Son Honneur le Président suppléant: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président suppléant: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion modifiée?

Des voix: D'accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

Renvoi des crédits 1,5 et 10 de Pêches et océans au comité des pêches

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement, je propose:

Que le Comité sénatorial permanent des pêches soit autorisé à examiner les dépenses projetées dans les crédits 1, 5 et 10 du budget des dépenses du ministère des Pêches et des Océans pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2000; et

Que le comité présente son rapport au plus tard le 10 décembre 1999.

Son Honneur le Président suppléant: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Les services de santé à la disposition des anciens combattants

L'étude du rapport du comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie-Fin du débat

Le Sénat passe à l'étude du seizième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé «Relever la barre: Une nouvelle norme de soins de santé pour les anciens combattants», déposé auprès du greffier du Sénat le 25 février 1999.-(L'honorable sénateur Phillips).

L'honorable Orville H. Phillips: Honorables sénateurs, le rapport du sous-comité sénatorial contient 68 recommandations. Je me suis rongé les sangs pour savoir comment condenser ces 68 recommandations dans les 15 minutes qui me sont allouées. J'ai commencé par préparer des notes pour une intervention de 50 minutes, que j'ai ensuite réduite à 40 minutes. Ce matin, j'espère l'avoir ramenée à 20 ou 25 minutes. Honorables sénateurs, je vous donne le choix. J'aimerais faire une intervention de 20 ou 25 minutes, si vous le désirez.

Le rapport se divise en trois parties. La première porte sur notre visite dans neuf établissements accueillant des anciens combattants. Nous avons visité 70 p. 100 des lits d'accès en priorité et des lits retenus par contrat supervisés par le ministère fédéral des Affaires des anciens combattants. Au cours des visites, nous étions accompagnés de M. John Walker, directeur du système de santé au ministère des Affaires des anciens combattants, ainsi que des directeurs régionaux et des directeurs provinciaux. La présence des fonctionnaires des Affaires des anciens combattants a été bénéfique, car ils ont entendu les plaintes et les commentaires que nous avons recueillis. Des mesures ont déjà été prises pour remédier à plusieurs des sujets de plainte.

Au cours des visites, nous avons fait la tournée des installations, rencontré les résidents et, dans certains cas, les résidents et des membres de leur famille. Je ferai remarquer que nous avons mangé la nourriture préparée pour les résidents le jour de notre visite. Nous avons eu des réunions avec la direction, les administrateurs et les infirmières surveillantes. Nous avons été impressionnés par le dévouement des gens qui prennent soin des anciens combattants. Ils connaissent cependant des problèmes résultant des compressions budgétaires dans le secteur de la santé, et j'y reviendrai plus tard dans mon intervention. Le temps ne me permet pas de parler de chacun des établissements que nous avons visités. J'exhorte cependant les honorables sénateurs à lire la partie I du rapport, qui parle de chacun des établissements.

J'aimerais parler brièvement des améliorations apportées au centre de santé Sunnybrook pour anciens combattants. À l'époque, nous avions fait certaines recommandations. Un système de gicleurs a maintenant été installé. L'établissement d'une salle réservée aux malades atteints de démence et de la maladie d'Alzheimer a été approuvé. Certains travaux de rénovation ont été effectués. La nourriture s'est améliorée. Ce qui nous a le plus réjoui, c'est de constater un degré plus élevé de satisfaction chez les patients, ce qui me porte à croire que notre visite en a valu la peine.

La deuxième partie du rapport traite de questions générales. La première concerne le rattachement des diverses installations des anciens combattants aux autorités régionales de la santé, ce qui les laisse dans une position minoritaire dans bien des nouveaux mégahôpitaux. Je tiens à faire remarquer que cela crée trois paliers de gouvernement avec lesquels les anciens combattants doivent traiter - les autorités régionales de la santé, les autorités provinciales et Affaires des anciens combattants Canada.

Après notre première visite à Sunnybrook, je suis parti avec le sentiment que les ailes Kilgour et George Hees deviendraient des quantités négligeables dans le nouvel établissement. La fusion comprenait le Sunnybrook Hospital, le Wellesley Women's Hospital et un nouveau centre orthopédique. L'établissement issu de la fusion exerce son activité sous la direction des autorités régionales de la santé, qui le financent.

(1450)

J'ai demandé à la directrice intérimaire des ailes des anciens combattants si ces dernières recevaient assez de fonds. La directrice a répondu que le budget qu'elle avait présenté a été réduit d'environ 60 p. 100. Elle devra donc maintenant passer pas mal de temps à expliquer au conseil d'administration de l'hôpital, aux gestionnaires de l'hôpital, voire aux autorités régionales de la santé, pourquoi elle a besoin de fonds supplémentaires. Pendant ce temps, elle ne pourra s'occuper de la supervision des soins dispensés aux anciens combattants à l'hôpital.

Le Colonel Belcher Hospital, à Calgary, est un vieil immeuble. Il est affligé de bien des problèmes. Il est mal conçu comparativement aux hôpitaux d'aujourd'hui, le chauffage y est déficient et son entretien coûte cher. Les représentants de l'hôpital ont demandé aux autorités régionales la permission de construire un nouvel immeuble. La province de l'Alberta a bloqué la construction de toutes les nouvelles installations jusqu'au 1er juillet de cette année. Il leur faudra maintenant faire la demande devant la commission régionale de la santé qui devra ensuite obtenir l'approbation des autorités provinciales. Par la suite, celles-ci s'adresseront à Anciens combattants Canada pour obtenir le financement de la partie de l'hôpital destinée aux anciens combattants.

J'espère que ces négociations entre la province et Anciens combattants Canada ne seront pas trop longues et qu'on pourra ensuite passer aux autres étapes, soit la planification, les spécifications architecturales, l'appel d'offres et la construction. Nous avons établi un échéancier, honorables sénateurs, et nous estimons qu'il faudra environ six ans pour terminer la construction du nouvel établissement. Les anciens combattants sont maintenant âgés de 80 ans en moyenne. De nombreux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale ne pourront pas profiter de ce nouvel établissement.

Le centre Broadmead, à Victoria, un excellent établissement, demande 20 lits additionnels. Encore une fois, il devra suivre cette longue procédure.

Le centre George Darby, à Vancouver, voudrait devenir un établissement polyvalent, fournir un niveau plus élevé de soins à ses patients et mettre en place des services innovateurs dans le domaine des soins ambulatoires. Il devra aussi discuter de certaines de ces questions avec les autorités régionales de la santé.

Fait intéressant, le centre George Darby a une entente d'affiliation avec le conseil régional de la santé qui lui permet de profiter des achats en grande quantité tout en ayant une certaine autonomie au niveau des opérations. J'espère qu'Anciens combattants Canada sera capable de négocier ce genre d'entente d'affiliation pour d'autres établissements afin de remédier à la constipation bureaucratique dont souffre ce ministère.

Certaines des plaintes que nous avons reçues concernent la dotation en personnel. Dans notre rapport préliminaire, nous insistons sur le fait que les anciens combattants ont besoin de plus de soins infirmiers que les autres malades en général. Dans une section ordinaire d'un hôpital, qu'il s'agisse de chirurgie ou d'autres soins médicaux, les patients sont plus jeunes, ils sont en voie de guérison et, chaque jour, ils deviennent de plus en plus autonomes. Dans le cas des anciens combattants, leur état ne fait que se détériorer. Chaque semaine, chaque mois, ils deviennent de moins en moins autonomes. Par conséquent, ils ont besoin de plus de soins. Nous espérons qu'Anciens combattants Canada sera en mesure d'ajouter du personnel infirmier dans bien des établissements pour anciens combattants pour répondre à leurs besoins.

Nous avons surtout reçu des plaintes au sujet du poste de soirée et du poste de nuit. Pour le poste de soirée, on commence à réduire le personnel infirmier à 15 heures de sorte que, quand vient le temps du repas du soir, il n'y a plus suffisamment de personnel pour aider les patients, dont beaucoup sont incapables de couper eux-mêmes leur viande ou d'ouvrir les contenants dans lesquels la nourriture est servie. Pour le poste de nuit, il n'y a que deux personnes, soit une infirmière ou un infirmier autorisé et une infirmière ou un infirmier auxiliaire autorisé, pour une quarantaine de patients. Beaucoup d'anciens combattants doivent être tournés durant la nuit et doivent recevoir des médicaments. Encore là, on a besoin de plus de personnel.

L'autre plainte fréquente a trait aux aliments réchauffés. Il s'agit d'aliments préparés à l'avance, congelés et livrés à l'établissement. À cet endroit, ils sont censés être réchauffés, habituellement dans un four à micro-ondes, puis servis aux patients. Lorsque nous sommes arrivés à Deer Lodge, à Winnipeg, la situation n'était pas rose. Une dizaine de jours auparavant, les aliments réchauffés avaient été adoptés dans toutes les installations relevant du conseil régional de la santé. Il s'agissait là d'une situation fort malencontreuse. Une nouvelle entreprise préparait les aliments, et les membres du personnel n'avaient pas eu de cours sur la façon de les apprêter ou de les distribuer sur des plateaux. Nous avons rencontré un groupe de patients et de membres de leurs familles qui étaient plutôt perturbés. Je crois que c'est un aumônier à la retraite qui a le mieux résumé la situation lorsqu'il a dit qu'«il est déshumanisant de faire subir un tel traitement à des anciens combattants».

En toute justice, il convient de signaler que le ministère des Anciens combattants a réagi rapidement. Dans les 48 heures, des diététistes et des nutritionnistes étaient à Deer Lodge, et la situation s'est considérablement améliorée.

Honorables sénateurs, les aliments réchauffés peuvent convenir pour un patient qui séjourne pendant cinq jours à l'hôpital. Toutefois, au bout de cinq mois, le menu devient très monotone. Dans diverses installations, nous avons noté qu'il restait des portions inutilisées dans les cuisines de préparation, où les gens peuvent faire des rôties et réchauffer des muffins afin de briser la monotonie. C'est le petit-déjeuner qui cause le plus de soucis aux anciens combattants. Le ministère des Anciens combattants a proposé d'acheter des grille-pain et des fours à micro-ondes commerciaux pour réchauffer les muffins, et j'espère que bon nombre d'établissements qui utilisent ces appareils se prévaudront de cette offre.

Certains établissements - Colonel Belcher, George Darby et Broadmead, par exemple - ont constaté que les aliments réchauffés ne leur permettent pas de faire des économies et préparent leurs propres aliments sur place, et les résidents sont beaucoup plus satisfaits. Nous recommandons dans notre rapport d'accorder aux établissements des anciens combattants un certain degré d'autonomie qui leur permettra d'adopter des mesures de ce genre.

En 1945-1946, le Parlement du Canada a pris un engagement ferme à l'égard des anciens combattants du pays. Cet engagement prévoit notamment l'accès à ce qu'il est désormais convenu d'appeler des lits d'accès en priorité, ou LAP, pour les anciens combattants. Le Parlement de 1999 ou des années 2000 ne doit pas renier l'engagement pris en 1945-1946.

(1500)

Honorables sénateurs, il se prépare une situation de crise en ce qui touche les lits d'accès en priorité. J'ai parfois l'impression qu'un raz de marée est imminent. On ignore la force ou l'ampleur de cette vague de fond. Il y a actuellement quelque 400 000 survivants de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Sur ce nombre, 160 000 ont servi outre-mer et n'ont pas bénéficié d'une pension d'invalidité, mais ont tout de même droit à des lits d'accès en priorité. Quelque 68 000 anciens combattants touchent une quelconque pension d'invalidité et ont droit à des lits d'accès en priorité. Quelque 46 000 bénéficiaires d'allocations des anciens combattants ont également droit à des lits d'accès en priorité. Ces chiffres n'étant pas des plus récents, j'évalue à 250 000 le nombre des anciens combattants qui ont droit à des lits d'accès en priorité. En ce moment, le ministère des Anciens combattants dispose de 4 000 lits, dont ceux de l'hôpital Sainte-Anne-de-Bellevue.

On est arrivé à un point où, compte tenu du fait que les anciens combattants sont en moyenne des octogénaires, il est trop tard pour songer à investir dans la brique et le mortier. La construction d'hôpitaux et de centres de soins prolongés ne saurait constituer une solution réaliste à cette pénurie de lits d'accès en priorité qui s'annonce de plus en plus sérieuse. Voilà pourquoi nous avons tenté d'en arriver à des recommandations qui soient de nature à répondre à ces besoins.

La première recommandation est que les 160 000 Canadiens qui ont servi à l'étranger et ne touchent pas de pension d'invalidité se voient accorder une indemnité du type de celles prévues dans le cadre du Programme pour l'autonomie des anciens combattants. Ce programme a permis de faire en sorte que les anciens combattants qui touchent une pension d'invalidité restent plus longtemps chez eux et de réduire ainsi la demande de lits d'hôpitaux. Il devrait permettre, nous l'espérons, de garder ces 160 000 anciens combattants chez eux plus longtemps et de réduire encore le besoin de lits.

Le ministère des Anciens combattants planifie actuellement la mise en place de trois projets-pilotes: un à Victoria, un à Ottawa et un à Halifax, qui sont les trois villes où les listes d'attente pour des lits sont les plus longues. Ces projets-pilotes consistent à faire les adaptations nécessaires au domicile des anciens combattants, à adapter les salles de bains aux anciens combattants en fauteuil roulant et faire d'autres travaux qui permettront aux anciens combattants de rester chez eux plus longtemps. Le comité appuie ces projets, mais là où nous avons certaines réserves, c'est que ces projets partent du principe que ce sont principalement les conjoints qui s'occuperont des anciens combattants. Si l'ancien combattant a entre 80 et 85 ans, il est probable que son conjoint se trouve à peu près dans la même tranche d'âge. Nous ne pouvons donc nous attendre à ce que le conjoint s'occupe de l'ancien combattant 24 heures sur 24, sept jours par semaine, pendant toute l'année. Le conjoint a besoin d'aide pour s'occuper de la lessive, changer les draps, faire la toilette de l'ancien combattant et préparer les repas. Le conjoint doit aussi se reposer et a besoin que quelqu'un vienne lui donner un répit en s'occupant de l'ancien combattant à domicile.

La seconde recommandation que nous avons faite portait sur les maisons en grappes. Il s'agirait d'un groupe de, peut-être, 12 à 16 maisons disposées autour d'une cour intérieure fermée et dotée d'une allée asphaltée à l'intention des personnes se déplaçant en fauteuil roulant ou au moyen de déambulateurs. Le plan de ces résidences prévoit aussi une salle à l'intention de l'infirmière clinicienne. Celle-ci pourrait faire une seule visite à la résidence au lieu de téléphoner d'une autre partie de la ville et de devoir conduire de 20 à 30 minutes entre deux visites. Cela permettrait de réduire la durée et le coût des déplacements. Cela vaudrait aussi pour les physiothérapeutes et les travailleurs sociaux.

Le concept a ceci d'intéressant qu'il n'est pas nécessaire que les maisons en grappes coûtent très cher au ministère des Anciens combattants. Elles pourraient être construites par des promoteurs privés ou des groupes de la Légion, des clubs philanthropiques ou des organismes confessionnels travaillant isolément ou de concert. Le ministère des Affaires des anciens combattants pourrait garantir que les logements seraient loués pour un certain nombre d'années. Je signale que les anciens combattants qui occuperaient ces maisons avec leurs conjoints paieraient un loyer.

Les fonctionnaires du ministère nous disent qu'il ne coûte pas plus cher de garder sept à huit vétérans chez eux dans le cadre du Programme pour l'autonomie des anciens combattants que d'en garder un seul dans un hôpital pour anciens combattants. J'ai donc fait quelques calculs pour voir combien on économiserait ainsi. J'ai déterminé que l'on pourrait raisonnablement supposer qu'un cinquième des 250 000 anciens combattants ont droit à des lits d'accès en priorité. En multipliant 250 000 par 3 000 $ par mois, ce qui représente le coût minimum, on arrive à une somme de 750 millions de dollars par mois. Lorsque j'ai parlé de cela aux fonctionnaires du ministère, ils sont partis en orbite. Je vous concède toutefois que c'est probablement là le pire scénario.

Par contre, je crois que le ministère sous-estime largement le nombre de lits d'accès en priorité qui seraient requis. Peut-être pourrions-nous estimer à 250 000 le nombre d'anciens combattants qui auront besoin de lits d'accès en priorité au cours des cinq prochaines années. Si nous pouvions réduire ce nombre de 25 000, cela ferait économiser 75 millions de dollars par mois aux contribuables en impôts fédéral et provincial. Il vaut donc la peine d'aller de l'avant avec ce projet, et de le faire rapidement.

Nous remarquons que les établissements semblent fonctionner isolément et presque indépendamment les uns des autres. Nous avons recommandé que leurs administrateurs se rencontrent pour discuter de leurs problèmes mutuels, car une rencontre de ce genre pourrait leur être profitable, j'en suis sûr.

Nous vivons de plus une époque de communications rapides. L'Internet et les sites Web sont devenus des moyens très populaires de communiquer. Nous avons recommandé à Anciens combattants Canada de créer un tel site. Les établissements pourraient ainsi se confier mutuellement leurs problèmes.

Plus important encore, les gens travaillant au même niveau hiérarchique - par exemple les infirmières-chefs ou les agents des finances - pourraient communiquer entre eux. C'est aussi très important pour ceux qui travaillent dans des établissements plus petits, comptant de 30 à 50 lits. Ces gens pourraient soumettre les problèmes aux bureaux des Anciens combattants de Charlottetown ou de Sainte-Anne-de-Bellevue et obtenir de l'aide.

Je tiens à remercier notre recherchiste, M. Grant Purves, de son aide pour l'élaboration de cette proposition, car le sénateur Johnstone et moi sommes fiers de nous quand nous réussissons à ouvrir ou à fermer l'ordinateur. Nous remercions donc M. Purves de ses suggestions et de son assistance sur cette question.

La dernière partie du rapport a trait aux pensions. On croit généralement à tort que tous les anciens combattants perçoivent une pension. C'est loin d'être le cas. Des 410 000 survivants, 68 000 sont admissibles à une pension. Autrement dit, environ 17 p. 100 d'entre eux reçoivent des prestations d'invalidité. De ces 17 p. 100, les deux tiers reçoivent moins de 25 p. 100 du maximum. Seulement 5 p. 100 reçoivent la pleine pension d'invalidité. Ces chiffres sont beaucoup trop bas.

La demande de pension suppose trois étapes. D'abord, il y a la décision. Si l'ancien combattant n'est pas satisfait de la décision, il peut demander une révision. La troisième et dernière étape est celle du Tribunal des anciens combattants, (révision et appel).

J'invite les honorables sénateurs à se reporter au tableau qui figure dans notre rapport. J'attire votre attention sur deux points en particulier. Premièrement, dans le cas de l'arthrite, 20 p. 100 des demandes, ou une sur cinq, sont agréées dès la première étape. À la révision, ce rapport est à peu près de un sur trois et, devant le tribunal, soit à l'étape finale, de un sur cinq.

Les anciens combattants ont subi diverses lésions. Les amortisseurs des chars n'étaient pas nécessairement les meilleurs. De nombreux combattants ont été blessés à bord de corvettes quand la mer était agitée. D'autres ont survécu à l'écrasement d'appareils. Ces hommes avaient entre 20 et 25 ans à l'époque et ils étaient en bonne santé. Ils ont eu mal pendant quelques jours, puis la douleur a disparu et ils ont dit se sentir bien. Au moment de leur démobilisation, ils voulaient quitter les forces armées. Ils n'ont déposé aucune plainte, comme l'attestent leurs dossiers médicaux. Cependant, quand ils sont arrivés à 45 ou 50 ans, la douleur est apparue. Tout le monde sait qu'une blessure est souvent à l'origine de l'arthrite. Ces anciens combattants ont donc demandé des pensions parce qu'ils souffraient d'arthrite résultant de lésions, mais ils ont été confrontés à la note disant qu'il n'y avait aucune plainte au moment de la démobilisation.

Je voudrais également attirer votre attention, honorables sénateurs, sur la question des traumatismes de la colonne vertébrale. Là encore, les statistiques sont loin d'être encourageantes. Une seule demande sur cinq est approuvée à la première étude et quatre sur dix seulement sont approuvées au moment de la révision. On en revient au taux standard de un pour dix au Tribunal des anciens combattants, (révision et appe)l. Alors qu'on devrait, semble-t-il, toujours faire jouer le bénéfice du doute en faveur de l'ancien combattant, les décisions prises par le tribunal sont généralement favorables dans un cas sur dix seulement. Il m'arrive de penser que les anciens combattants auraient plus de chances en jouant à la roulette qu'en faisant appel au Tribunal des anciens combattants.

Des groupes d'anciens combattants se plaignent depuis longtemps des évaluations qui bloquent aux deux cinquièmes.

Honorables sénateurs, je crois que j'aurai besoin de six ou même sept minutes de plus pour terminer mes observations.

Son Honneur le Président suppléant: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Phillips: J'aimerais vous présenter deux cas dont j'ai eu connaissance. Dans le premier cas, un messager avait subi une blessure au genou au cours d'un accident. Ne voulant pas se séparer de son groupe, il a enduré son mal pendant quelques jours et la douleur a fini par s'estomper. De nombreuses années plus tard, il a obtenu une décision favorable et une pension. Toutefois, on lui a affirmé qu'il n'y avait que les deux cinquièmes de son mal qui étaient attribuables à la blessure. Le reste était une conséquence de son âge. Cependant, on néglige commodément un fait. Le genou droit a une flexion normale et des réflexes normaux. Par conséquent, pourquoi le genou gauche a-t-il vieilli, et pas le genou droit?

L'autre cas concernait un marin qui se trouvait à bord d'une corvette. Les grenades sous-marines s'étaient dispersées et flottaient autour du pont, lors d'une tempête. La situation était fort désagréable. Tout l'équipage s'est mobilisé pour tenter de les rassembler, et c'est à ce moment-là que le marin s'est blessé à l'épaule et à la colonne vertébrale. La même chose s'est produite. Après avoir fait appel pendant des années devant Anciens combattants Canada, il a obtenu une pension. On a jugé que les deux cinquièmes de la blessure avaient été occasionnés lors de son service pendant la guerre et que le reste était attribuable à la vieillesse. Cependant, encore une fois, on a négligé le fait que l'épaule droite était raide, tandis que la gauche bougeait facilement. Je pose la question de nouveau: pourquoi l'épaule droite a-t-elle vieilli, et pas l'épaule gauche?

Honorables sénateurs, cette façon de faire est injuste, injustifiée et déraisonnable. J'espère que le Canada suivra l'exemple de pays comme l'Australie, en déclarant que, si une blessure et un handicap ont été occasionnés par le service en temps de guerre, la victime a droit à la pleine pension, peu importe son âge.

Je voudrais parler un instant des Casques bleus. Bon nombre de Casques bleus retournent chez eux et ont une vie difficile, surtout les trois premières années. Le taux de violence familiale et de rupture du mariage est élevé. Beaucoup d'entre eux sont libérés des forces et ne désirent pas vraiment chercher un emploi. Leur santé mentale est très perturbée. Ils ne veulent rien savoir du ministère de la Défense nationale ni d'Anciens combattants Canada.

Honorables sénateurs, nous avons recommandé d'établir une ligne 1-800 à laquelle ces gens pourraient recourir pour obtenir une aide psychologique. En outre, l'organisation chargée du maintien de la paix pourrait peut-être faire part de leurs problèmes à Anciens combattants Canada et au ministère de la Défense nationale, pour qu'ils tentent de venir en aide à ces gens. Ils n'iront pas en solliciter eux-mêmes, je le répète, surtout au cours des trois premières années.

(1520)

Le Dr Westwood, de l'Université de la Colombie- Britannique, a instauré une méthode de counselling assez intéressante pour aider les anciens combattants. Il leur parle, enregistre sur vidéo le récit qu'ils font de leurs expériences de guerre, leur fait regarder ensuite la bande, et en discute avec eux. Sa méthode a été très fructueuse et il pourrait peut-être se charger du counselling et mettre un programme sur pied pour le reste du pays.

En terminant, honorables sénateurs, je tiens à remercier mon ami de longue date, le sénateur Johnstone, pour son aide au cours de notre tournée d'enquête. J'ai trouvé très agréable de travailler avec lui, probablement parce qu'il me laissait parler la plupart du temps. Je trouve en général facile de travailler avec les gens qui me laissent parler la plupart du temps.

La dernière annexe au rapport est une lettre de M. Walker, du ministère des Affaires des anciens combattants, dans laquelle il exhorte le Sénat à réexaminer les problèmes qu'il énumère dans sa lettre. Il met pratiquement le Sénat au défi de visiter à nouveau ces établissements et de noter les améliorations qu'on y aura apportées à la suite de nos visites d'enquête.

Comme ni le sénateur Johnstone, ni moi ne serons ici l'automne prochain, je demande au Sénat d'accomplir cette tâche et de faire des visites de suivi.

L'honorable Archibald Hynd Johnstone: Honorables sénateurs, j'ai la chance d'avoir été élu vice-président du sous-comité sénatorial des anciens combattants, qui était présidé par l'honorable sénateur Phillips. Il y a cinquante-huit ans, le sénateur Phillips et moi nous inscrivions au Prince of Wales College de Charlottetown. Pendant deux ans, nous avons été membre de l'escadron des cadets de l'air numéro 60 et avons participé ensemble au camp d'été des cadets. Plus tard, nous avons tous les deux servi pendant la Seconde Guerre mondiale en tant que membres des escadrons des bombardiers lourds qui s'envolaient à partir du Yorkshire, en Angleterre.

Aujourd'hui, pour bien des gens, les deux conflits mondiaux et la guerre de Corée ne sont plus que des faits historiques. Il ne faut donc pas se surprendre du fait que le souvenir de ces terribles conflits s'estompe au point de disparaître presque complètement. Certains seront étonnés d'apprendre qu'environ 400 000 anciens combattants des trois terribles guerres que j'ai mentionnées sont encore en vie et que bon nombre d'entre eux sont hospitalisés ou traités dans des établissements qui leur dispensent les soins de santé dont ils ont besoin.

Il est en général admis que la santé des anciens combattants tend à se détériorer au moins deux ans plus tôt que celle des Canadiens en général et cela, compte non tenu de ceux qui ont perdu la vue ou un membre ou qui ont été autrement handicapés à la guerre. C'est en songeant à ces gens-là que le sénateur Phillips et moi-même avons parcouru le Canada d'un océan à l'autre, avec des représentants du ministère des Anciens combattants et d'autres personnes compétentes, pour visiter des installations réservées aux anciens combattants et vérifier la qualité des soins de santé que reçoivent les anciens combattants et les militaires, hommes et femmes. Nous n'avions pas le temps de visiter toutes les installations, mais nous avons pu passer quelque temps dans celles qui prennent soin d'environ 70 p. 100 des anciens combattants qui sont, pour une raison ou pour une autre, en établissement. Je tiens à recommander ici que l'on visite les établissements les plus petits afin de s'assurer que les soins qui y sont dispensés sont comparables à ceux qui sont dispensés dans les plus grands établissements.

Étrangement, nous avons reçu peu de plaintes des anciens combattants eux-mêmes, qui sont demeurés extrêmement loyaux envers l'établissement de soins où ils vivent. Au début, ce sont les épouses, les fils ou les filles qui nous signalaient des lacunes de l'établissement que nous visitions.

Lorsque les anciens combattants ont appris que nous aussi avions été là-bas et que nous savions ce que c'est que de faire la guerre, ils se sont ouverts peu à peu et ont bientôt été à l'aise de parler. La plupart des anciens combattants avec lesquels nous nous sommes entretenus semblaient penser qu'ils avaient été oubliés parce qu'ils étaient loin des yeux et donc, loin du coeur. Ils nous serraient la main, parfois deux fois plutôt qu'une, ils oubliaient de se plaindre, mais pas de nous remercier maintes fois d'être venus leur rendre visite. Souvent, alors que nous tentions de partir, deux ou trois anciens combattants venaient dans le corridor aussi vite qu'ils le pouvaient pour nous serrer à nouveau la main et nous remercier de notre visite.

Ce rapport nous rappelle à tous l'existence des anciens combattants. Parce qu'ils ont souffert et qu'ils ont servi leur pays - ainsi que la cause de la liberté dans le monde - nous devons nous rappeler que nous avons une obligation à leur endroit.

Permettez-moi de vous relater une brève anecdote que m'a racontée un bon ami et éminent juriste qui a rendu visite à un collègue dans un de ces établissements pour anciens combattants. Ce collègue, un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, avait servi avec distinction et en honorant sa profession et il était confiné à cet établissement à cause de sa santé chancelante. Vous pouvez vous imaginer la surprise et le chagrin de mon ami lorsqu'il a constaté qu'un préposé appelait l'ancien combattant par son prénom et le traitait de manière condescendante, quasiment comme s'il était un enfant. J'ose espérer que ce n'est là qu'un cas isolé.

Si je raconte cette histoire aux sénateurs, c'est parce que je crois que les anciens combattants - comme toutes les personnes âgées - méritent d'être traités avec courtoisie et respect par ceux qui les soignent. Je crois même que la courtoisie et le respect sont au moins aussi importants que le traitement et qu'ils sont essentiels à la qualité de vie de nos anciens combattants, au même titre que la consultation au sujet de leurs besoins et de leur traitement.

Je m'en voudrais si je ne disais rien au sujet de l'administration et du personnel des divers établissements que nous avons visités. Nous avons eu l'impression qu'ils servaient nos anciens combattants avec dévouement et compréhension, tout comme le faisaient les divers conseils desquels ils relèvent.

Je voudrais maintenant remercier les représentants d'Anciens combattants Canada de leurs discussions franches et ouvertes avec le sous-comité. Leur courtoisie envers nous et leur dévouement envers les anciens combattants du Canada sont bien appréciés. D'un bout à l'autre du pays, invariablement, nous avons entendu de bonnes choses à propos du ministère et de son travail pour ceux qu'il a la responsabilité de servir.

Les recommandations du rapport ne sont que des suggestions, mais elles sont faites parce que le sous-comité croit profondément que le Canada a une énorme dette envers nos anciens combattants, une dette qui n'est pas facilement remboursable. Je compte que ce rapport nous incitera tous à nous souvenir de ceux qui se sont si généreusement sacrifiés.

L'honorable Colin Kenny: Puis-je poser une question à l'honorable sénateur Phillips?

Le sénateur Phillips: Certainement.

Le sénateur Kenny: Tout d'abord, je voudrais dire qu'il est merveilleux de voir deux sénateurs originaires de l'île - l'un étant le doyen des sénateurs et l'autre une des dernières recrues - faire un excellent travail. Je suis convaincu que tous les honorables sénateurs sont fiers du travail qu'ils ont fait.

Voici ma question: pouvez-vous rattacher un coût à vos recommandations? Pouvez-vous nous dire combien il en coûterait pour remédier aux problèmes que vous avez constatés en parcourant le pays?

(1530)

Le sénateur Phillips: Honorables sénateurs, je crois qu'il faudrait environ 20 millions de dollars pour payer les améliorations nécessaires aux institutions. Cela inclut les rénovations aux salles qui restent à Kilgour ainsi que quelques rénovations mineures à Parkwood. Les plafonds de Deer Lodge sont voûtés, ce qui crée des reflets rendant la marche très difficile pour les patients atteints de troubles cognitifs.

Je n'ai pas pu faire d'estimation au sujet de Colonel Belcher parce qu'il s'agit d'un nouvel établissement. Cependant, George Derby et Broadmead nécessiteraient le reste des 20 millions de dollars.

Accorder des prestations semblables à celles du Programme pour l'autonomie des anciens combattants aux 160 000 anciens combattants outre-mer sans prestations d'invalidité coûterait entre 30 et 35 millions de dollars par année.

Les dépenses associées aux maisons en grappes seraient très minimes. Je m'attends seulement à ce que le ministère des Anciens combattants approuve les plans et le contrôle des loyers et peut-être qu'il accorde quelques prêts à faible taux d'intérêt aux différents groupes intéressés par la construction de ces maisons en grappes. Lorsque les anciens combattants n'en auraient plus besoin, elles pourraient servir à d'autres groupes de personnes âgées. J'estime à 60 millions de dollars les sommes nécessaires pour la mise en oeuvre de toutes les recommandations.

Dans le moment, Anciens combattants Canada remet presque la totalité de ce montant au receveur général du Canada puisqu'il ne dépense pas tout son budget chaque année.

Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, je dois dire respectueusement que ce que le sénateur vient de dire m'étonne. Pourquoi le ministère remet-il l'argent au receveur général au lieu de le dépenser pour régler les problèmes?

Le sénateur Phillips: Je me pose la même question depuis des années.

Son Honneur le Président suppléant: Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, le débat est considéré comme terminé.

L'agression sexuelle

Le jugement récent de la Cour suprême du Canada-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Anne C. Cools, ayant donné avis le 2 mars 1999:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur:

a) le jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire d'agression sexuelle opposant Sa Majesté la Reine c. Steve Brian Ewanchuk, rendu le 25 février 1999, jugement qui a renversé le jugement de la Cour d'appel de l'Alberta confirmant l'acquittement prévu par le tribunal de première instance;

b) les intervenants dans cette affaire, c'est-à-dire le procureur général du Canada, le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada et le Centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle d'Edmonton;
c) le remplacement, par la Cour suprême du Canada, de l'acquittement prévu par les deux tribunaux de l'Alberta par une condamnation;
d) les nombreux motifs concordants du jugement rendu par madame le juge Claire L'Heureux-Dubé de la Cour suprême du Canada, qui condamnent la décision prise par le juge John Wesley McClung de la Cour d'appel de l'Alberta et la décision de la majorité de la Cour d'appel de l'Alberta;
e) la lettre du juge John Wesley McClung qui a été publiée dans le National Post le 26 février 1999 en réponse aux déclarations que madame le juge Claire L'Heureux-Dubé a faites à son endroit dans les motifs concordants de son jugement;
f) les nombreux commentaires et débats publics sur cette question, dans tout le pays;
g) les questions d'activisme judiciaire et d'indépendance judiciaire au Canada aujourd'hui.
- Honorables sénateurs, on peut se demander quel est le rapport entre le livre de la féministe américaine Catharine MacKinnon, intitulé: «The Theory of the Feminist State», et la loi et la jurisprudence au Canada. Qu'est-ce que la diatribe idéologique d'une féministe radicale qui cherche à criminaliser les rapports sexuels homme-femme a en commun avec la Cour suprême du Canada, ou avec un juge de la Cour supérieure de l'Alberta, le petit-fils de Nellie McClung? Catharine MacKinnon, féministe gyno-centrique, pose en postulat que les relations sexuelles homme-femme sont répugnantes parce qu'elles représentent une violence faite aux femmes et que, dans une société patriarcale, toutes les relations sexuelles entre hétérosexuels constituent un viol. MacKinnon a contribué à l'élaboration des lois en matière d'agression sexuelle au Canada. Cette idéologie féministe radicale sous-tend bon nombre de lois au Canada et, par conséquent, est à l'origine de beaucoup d'injustices. Elle a porté gravement atteinte au droit, à la justice, à de nombreuses carrières et à beaucoup de vie humaines. Elle a eu cours pendant de nombreuses années. Elle a même été lucrative. Elle s'est traduite par des emplois, des subventions et même des nominations de juges. Elle a provoqué un silence terrible et a été une source d'injustices évidente pour bon nombre de gens. Cette idéologie a été renforcée par le terrorisme et l'agression de féministes prêtes à poursuivre jusqu'à la destruction quiconque se placerait sur leur route, tout en répétant leur mantra selon lequel tout le mal et la violence viennent des hommes et toute la bonté, la vertu et la vérité sont l'apanage des femmes. Cette semaine, ces personnes se livrent à une attaque contre le juge John Wesley McClung, de la Cour d'appel de l'Alberta.

Honorables sénateurs, la division de la magistrature entre les juges activistes, dont des tenants de la Charte et des féministes, et les traditionalistes, et la division correspondante au sein du barreau, a éclaté sur la scène publique avec la force qui caractérise l'éruption d'un problème social qui couvait depuis longtemps. Je fais ici référence à la décision rendue par le Cour suprême du Canada le 25 février 1999 dans l'affaire La Reine c. Steve Brian Ewanchuck, et en particulier aux motifs concordants de la décision de madame le juge Claire L'Heureux-Dubé, à sa critique mordante à l'endroit du juge John Wesley McClung et à la lettre de ce dernier publiée dans le National Post.

Le juge McClung est un intellectuel du droit, un grand juriste et un phare au sein de la magistrature canadienne. Il a défendu la loi comme instrument de justice. Il a défendu les institutions parlementaires comme auteur de la loi et de la politique publique et a refusé de se joindre au mouvement activiste et à certains juges qui s'ingèrent sans vergogne dans le domaine politique. Il est persona non grata auprès des activistes de la magistrature, des tenants de la Charte et des féministes.

Madame le juge Claire L'Heureux-Dubé est bien connue pour son féminisme.

En ce qui a trait au militantisme des juges, Diane Martin, professeur au Osgoode Hall Law School, a souligné dans un article publié le 18 avril 1998 dans le Globe and Mail sous le titre «Lawer says top court deserves tough criticism» que:

Les déclarations des femmes et des enfants sont jugées crédibles...

Le procès ne sert plus à déterminer les faits. Le principe de la présomption d'innocence a été considérablement affaibli au cours des 15 dernières années soi-disant pour protéger les témoins vulnérables.

Les procès pour agression sexuelle en sont un bon exemple.

Honorables sénateurs, les juges McClung et L'Heureux-Dubé ont fait la manchette cette semaine. Peu après avoir envoyé sa première lettre, le juge McClung s'est confondu en excuses devant madame le juge L'Heureux-Dubé en affirmant que son geste avait été irréfléchi. Ces excuses ont été publiées dans les journaux le 2 mars. Bon nombre de critiques, provenant en bonne part de féministes radicales et de leurs partisans, ont réclamé sa tête en se liguant du côté de madame le juge L'Heureux-Dubé et en mobilisant les Canadiens. D'autres ont proposé qu'on dépose une plainte au Conseil de la magistrature ou qu'on le radie. Les Canadiens ne sont pas prêts à accepter l'injustice en faveur des féministes radicales et le discours public le démontre bien. L'avocat criminaliste Edward Greeenspan a écrit dans un article voisin de la page éditoriale intitulé: «Judges have no right to be bullies», publié dans le National Post du 2 mars à la page A18:

La réaction profonde de la communauté juridique, se ralliant du côté de madame le juge L'Heureux-Dubé et ignorant le fait que ses mots blessants et tout à fait inutiles avaient attisé la discorde, est un bon exemple de la façon dont la politique s'est ingérée dans tous les dossiers ayant trait aux agressions sexuelles. Il est évident que l'influence des féministes a entraîné une certaine intimidation, mettant réellement en danger l'indépendance du système judiciaire. Je déplore toute tentative en vue du recours au Conseil canadien de la magistrature pour servir de catalyseur au mouvement féministe en traitant des plaintes contre des juges dont les remarques ne concordent pas avec les opinions des féministes. Les féministes ont imposé leur idéologie à la Cour suprême du Canada, repoussant toute opinion contraire. Mais en exigeant la révocation du juge McClung, ou en lui adressant des reproches, on admet que les féministes et leurs partisans ont créé un tel climat répressif et autoritaire que certains mots ne sont plus seulement inacceptables, ils constituent maintenant une faute professionnelle. Les opinions féministes ont pris la Cour suprême d'assaut et nous en sommes rendus au point où les féministes exigent la destitution de tout juge qui n'est pas d'accord avec elles...

Madame le juge L'Heureux-Dubé s'est acharnée à modifier la façon de penser du juge McClung, le menaçant et le contraignant pour l'amener à voir les choses à sa manière.

Honorables sénateurs, en tant que parlementaires, nous avons un rôle spécial à jouer dans la surveillance du comportement des juges ainsi qu'un rôle représentatif dans la défense des intérêts publics. Je crois que l'activisme judiciaire radical est une grave menace à la souveraineté parlementaire et à son corollaire, l'indépendance judiciaire. L'indépendance des juges, que j'appuie fermement, est une convention constitutionnelle qui régit les rapports appropriés qui doivent exister entre le Cabinet, le Parlement et le pouvoir judiciaire. Les conventions constitutionnelles sont des règles politiques régissant la conduite politique, c'est-à-dire la façon dont les dirigeants politiques exercent leur pouvoir. Les conventions ne sont pas des lois et ne peuvent être appliquées par les tribunaux. Ce sont des règles de moralité politique que font respecter les politiques, les dirigeants politiques et le processus politique. Au sujet de la lettre que le juge McClung a envoyée au journal, je dois préciser que je préconise et que j'appuie le principe traditionnel selon lequel les juges doivent s'abstenir de faire des déclarations publiques sur des sujets d'intérêt public.

Honorables sénateurs, le 23 août 1998, à l'assemblée annuelle de l'Association du Barreau canadien, tenue à Terre-Neuve, le juge en chef de la Cour suprême, Antonio Lamer, a fait des déclarations de nature politique et publique, grandement rapportées par les médias, dans lesquelles il décriait le dénigrement systématique à l'encontre des juges et réaffirmait la nécessité pour les juges de faire des déclarations officielles. Il a demandé au Conseil de la magistrature, dont il est le président, d'étudier la question. Le juge en chef Lamer fait régulièrement des déclarations publiques touchant la politique. Par exemple, au cours d'une entrevue télévisée présentée à la Chaîne parlementaire, le 9 décembre 1996, il a critiqué la décision du Sénat d'amender le projet de loi C-42, qu'il a appelé l'amendement Louise Arbour. Quelques jours auparavant, le Sénat avait rejeté, voire contredit les volontés et les intentions du juge en chef Lamer concernant les activités internationales des juges canadiens et leur rémunération. Il avait dit:

[...] j'étais un peu déçu [...] lorsque le Sénat a présenté l'amendement Arbour...

J'étais un peu déçu, mais j'ai trouvé un autre moyen et, comme je dois déjeuner aujourd'hui avec Mme Huguette Labelle, qui dirige l'ACDI, je crois que nous allons passer par l'ACDI. Vouloir, c'est pouvoir...

Je m'entretiendrai avec Mme Labelle, comme je vous l'ai dit, je déjeune avec elle aujourd'hui, puis je suis censé parler au commissaire à la magistrature fédérale vendredi. Je déjeune avec lui vendredi et je pense que nous allons faire démarrer les choses sans tarder.

Encore une fois, dans un article de Lawyers Weekly, paru dans le numéro du 29 août 1997 sous le titre «Canada's new global rôle: `Juges sans frontières'», le juge en chef Lamer, interrogé au sujet des objections du Sénat aux dispositions du projet de loi C-42 sur les activités non judiciaires accomplies à l'étranger, a déclaré ce qui suit à la page 2:

Je ne pense pas que cette critique est valide et je doute que la plupart des sénateurs l'acceptent...

Il se moque bien de la volonté et du vote unanime du Parlement.

Honorables sénateurs, on cite fréquemment les propos du juge en chef sur de nombreuses questions d'ordre public et politique, notamment sur des projets de loi dont le Parlement est saisi, les travaux du Sénat ou l'abolition de la cérémonie de la sanction royale. En fait, le juge en chef Lamer de la Cour suprême a ouvert la voie aux juges qui font des déclarations publiques dans les médias et qui éreintent publiquement des magistrats. Aucun juge ne peut maintenant affirmer que le juge McClung n'aurait pas dû parler aux médias ni faire de déclarations publiques sur le sujet des attaques contre les juges. De plus, ceux qui soutiennent que le juge McClung devrait faire l'objet d'une enquête par le Conseil de la magistrature, que préside le juge en chef Lamer, passent sous silence le fait que les juges de la Cour suprême ont été les premiers à s'adonner à ce genre activité. Le Conseil de la magistrature, ou plutôt les articles de la Loi sur les juges qui ont mis en place le Conseil de la magistrature, doivent être revus et modifiés par le Parlement. Ces dispositions datent d'avant la Charte des droits. Je me demande pourquoi la Cour suprême n'a pas aboli ces articles justement pour cette raison. Quand ces articles sont entrés en vigueur, dans les années 70, on ne pouvait jamais prévoir les problèmes actuels, ni l'activisme des tribunaux pour faire respecter la Charte. De toute évidence, le Conseil canadien de la magistrature n'est pas compétent pour faire enquêter sur un juge, en l'occurrence le juge McClung, parce que telle est la politique en vigueur à la cour et en raison de la nature très politique de la Cour suprême à l'heure actuelle. La notion d'une enquête sur un juge menée uniquement par des juges est bizarre, rendue obsolète par la politisation de la cour découlant de son propre activisme et des conflits politiques et idéologiques qui interviennent entre les juges lors des décisions.

Honorables sénateurs, le cas a trait à un appel dans l'affaire La Reine c. Steve Brian Ewanchuk. Au Canada, un accusé a droit à un procès équitable, à l'abri de tout conflit entre les juges, les instances ou les régions d'où sont originaires les juges. Ce devoir envers un accusé est le premier devoir de la cour, son devoir primordial. Dans tout appel, le premier principe veut que les juges d'appel, au moment d'examiner le travail des juges des instances inférieures, se restreignent au droit, notamment aux erreurs de droit, et se gardent d'offenser ou d'attaquer leur intégrité, leur intention ou leur intelligence.

Au sujet de madame le juge L'Heureux-Dubé, voici ce qu'a écrit M. Greenspan dans son article:

Elle lui a accolé une étiquette qu'elle n'aurait pas dû. Elle a fait preuve d'intempérance, d'un manque d'équilibre certain et d'un terrible manque de jugement...

J'aurais respecté la règle qui veut que, lorsqu'un juge renverse une décision, il n'est pas bon de retourner le couteau dans la plaie ou de s'en prendre au juge de l'instance inférieure.

Autre principe d'adjudication, en appel, les décisions d'une instance inférieure, s'il faut les renverser, on le fait avec toute la prudence voulue et s'en tenant uniquement au droit, parce que les juges des instances inférieures sont sur le terrain, pour ainsi dire - en Alberta en l'occurrence - et sont censés être plus près de la collectivité et des réalités.

Honorables sénateurs, je passe à un autre sujet, lequel a été abordé en public par le juge en chef Lamer l'été dernier. Il s'agit du dénigrement des juges par des juges et, entre autres, des juges traditionalistes par des juges activistes. M. le juge McClung s'est senti extrêmement insulté par les remarques négatives que madame le juge L'Heureux-Dubé a faites à son égard dans l'exposé de ses motifs. Il s'est senti attaqué intellectuellement et professionnellement. Il s'est senti dénigré. Il a réagi avec impétuosité. Malheureusement, il a parlé dans sa lettre d'hommes conduits au suicide par la façon dont ils étaient traités dans les tribunaux par certains juges féministes ou doctrinaires - une importante question sociale. Il n'était absolument pas au courant de la tragédie qu'avait personnellement connue la juge L'Heureux-Dubé, dont le mari s'est suicidé. Lui attribuer des intentions malicieuses, c'est pure méchanceté. Certains se sont empressés de le faire, ne sachant pas que son propre père, le fils de Nellie McLung, s'était aussi suicidé.

(1550)

Sa lettre affolée et impétueuse trahit son sentiment d'avoir été malmené, intellectuellement et moralement, par une cons9ur juge d'une cour d'instance supérieure activiste qui l'avait déjà bafoué précédemment, ainsi que ses jugements. Il exprime une douleur réelle. Or, les juges ne sont pas autorisés à avoir de tels sentiments, ou plutôt, s'ils sont autorisés à les avoir, ils n'ont pas le droit de les exprimer dans les journaux. Son grief est-il valable? Dans l'affirmative, devant quel tribunal pourrait-il obtenir un redressement? Où pourra-t-il obtenir réparation des excès de langage du juge? Ou devrait-il simplement essuyer l'affront et en supporter l'odieux comme un homme? Voilà les questions au c9ur de l'affaire. Quel est le recours judiciaire lorsqu'un juge ou une cour s'en prennent verbalement à un autre juge ou à une autre cour? Quelles sont les conséquences de ce genre de conduite pour la justice elle-même et pour l'accusé, c'est-à-dire celui qui fait l'objet d'une telle sortie?

Honorables sénateurs, je vais maintenant parler de madame le juge L'Heureux-Dubé et des raisons qui ont motivé son jugement très acide à l'endroit du juge McClung, jugement qui a suscité la lettre qu'il a écrite. Ses propos ont heurté le juge McClung et la majorité des juges de la Cour d'appel de l'Alberta. Ils en disent long sur la façon dont les affaires d'agression sexuelle sont traitées actuellement. Au paragraphe 82, elle écrit ce qui suit:

Cette affaire ne met pas en cause une question de consentement, puisqu'aucun consentement n'a été donné. Elle met en cause les mythes et stéréotypes relevés par bon nombre d'auteurs...

Plus loin, au paragraphe 95, elle affirme:

... qu'il ne faut pas laisser ressurgir par l'effet des stéréotypes que reflètent les motifs des juges majoritaires de la Cour d'appel. Notre Cour a notamment pour rôle de dénoncer ce genre de langage...

Honorables sénateurs, ce n'est pas le rôle de la Cour suprême du Canada de dénoncer le comportement d'un juge. Un juge est habilité par Sa Majesté à occuper ses fonctions. Seuls le Souverain ou le Parlement sont habilités à censurer un juge. Madame le juge L'Heureux-Dubé cite peu de textes de loi. Elle porte des jugements personnels et se fonde sur l'ouvrage de Catharine MacKinnon, Toward a Feminist Theory of the State, et sur d'autres textes américains du même acabit. Elle se fonde aussi sur un discours livré par un ancien juge de la Cour suprême, Mme Bertha Wilson, «Les femmes juges feront-elles vraiment une différence?», publié dans le Osgoode Hall Law Journal, volume 28. Ce discours s'appuyait quant à lui sur l'ouvrage de la féministe Carol Gilligan intitulé In a Different Voice, qui décrit le sens moral des hommes et des femmes et conclut que les femmes ont un sens moral supérieur. À la page 520, Bertha Wilson affirme:

Les travaux de Mme Gilligan sur les conceptions de la moralité entre adultes donnent à penser que le sens moral des femmes diffère grandement de celui des hommes... Les femmes considèrent que les problèmes moraux découlent d'obligations contradictoires, l'une envers l'autre; l'important est de préserver les relations pour favoriser l'épanouissement d'une morale de la sympathie.

Honorables sénateurs, la moralité, l'éthique et l'altruisme ne sont pas des caractéristiques qui diffèrent selon les sexes. Il faudrait carrément dénoncer de telles affirmations de la part de Carol Gilligan et de Catharine MacKinnon comme étant de la fraude intellectuelle, ce qui est le cas, et montrer qu'aucune recherche scientifique n'étaye ces affirmations. Enfin, de nos jours, dans les cas d'agression sexuelle, le consentement est un état d'esprit du plaignant que seul son témoignage peut vérifier. Le juge McClung s'est senti lésé. Peut-être faudrait-il examiner dans quel état d'esprit il se trouvait lorsqu'il a pris connaissance des motifs du juge L'Heureux-Dubé, tout comme il faudrait examiner l'état d'esprit de l'accusé. Peut-être y aurait-il lieu d'examiner l'état d'esprit de tout le pays. L'opinion publique a été témoin de ce spectacle toute la semaine et en a pesé les conséquences pour la justice elle-même, comme dans ce jugement, et s'est interrogée sur la signification des mots, ce qui a jeté le discrédit sur l'administration de la justice. On m'en dira tant du slogan «laissons les tribunaux décider». Pour ma part, j'estime qu'il s'agit là d'une profonde réaffirmation de la souveraineté du Parlement. La question qui vient maintenant à l'esprit de la population et de l'accusé, c'est que le jugement, et la condamnation imposée par la Cour suprême, risquent désormais d'être contestés ou mis en doute. Ils peuvent même être frauduleux, dans le sens où on l'entend au Parlement, soit de procédure frauduleuse.

Son Honneur le Président suppléant: Je regrette d'informer l'honorable sénateur que son temps de parole a expiré.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, puis-je avoir la permission de terminer? J'ai presque fini.

Son Honneur le Président suppléant: Permission accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Le Parlement, en tant que plus haute cour de justice du pays, devrait peut-être le casser. Toutefois, il est clair que le Conseil de la magistrature n'a pas compétence pour connaître des plaintes contre le juge McClung, car une telle enquête porte essentiellement sur la relation légitime entre les deux paliers de juridiction et la conduite légitime des juges de la Cour suprême envers les juges des juridictions inférieures des diverses régions du Canada. Une telle enquête exigerait un contrôle du jugement de la Cour d'appel et du jugement de la Cour suprême. Le Conseil de la magistrature est présidé par le juge en chef de la Cour suprême. Il n'est pas permis à un tribunal de contrôler ses propres jugements. Par ailleurs, le juge en chef Lamer a fait maintes déclarations publiques pour condamner les attaques contre les juges et on conçoit mal qu'il veuille exempter la Cour suprême du Canada de cette condamnation et lui permettre d'attaquer les juges des autres juridictions. Quelles sont les règles et qui les établit? Le Conseil de la magistrature n'a pas la compétence pour entendre de telles plaintes. La seule juridiction compétence est le Parlement du Canada, la plus haute cour de justice du pays.

Honorables sénateurs, en écoutant cet échange et en suivant la discussion dans les journaux, je suis fière de vivre dans un pays où l'on respecte la notion de la souveraineté du Parlement, du moins en théorie.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Madame le sénateur permettrait-elle que je lui pose une question?

Le sénateur Cools: Bien sûr.

Le sénateur Grafstein: Je veux d'abord féliciter le sénateur Cools de cette analyse fascinante des zones grises de la surveillance et de la reddition de comptes et des limites à fixer.

Le Conseil de la magistrature n'est-il pas la solution qu'elle cherche? Plutôt que d'envoyer sa lettre sévère, le juge McClung n'aurait-il pas normalement pu se plaindre au Conseil de la magistrature? Je crois que cela aurait été la chose à faire, comme madame le sénateur Cools n'en disconvient pas, je crois. Elle se demande, en fait, si cette façon de faire n'entraînerait pas un conflit puisque le conseil serait présidé par le juge en chef. Ne conviendrait-il pas que, après avoir reçu une telle plainte, le juge en chef se retire et laisse le Conseil de la magistrature se constituer de juges qui n'ont absolument rien à voir avec l'affaire et qui sont à l'abri de toute possibilité de plainte? Qu'on laisse la question se régler de cette manière plutôt que dans une tribune ouverte, ici même, au Parlement.

Ce n'est qu'une suggestion. Il faut que cette question fascinante et embrouillée soit résolue.

Le sénateur Cools: Merci de poser la question. Je me ferai un plaisir d'y répondre.

Je dirai tout d'abord que je ne propose rien. J'attire simplement l'attention du Sénat sur le fait que ce débat fait rage dans l'opinion publique. J'ai cru utile et instructif d'en parler officiellement. Qu'il soit bien établi que je ne présente aucune proposition pour le moment et que ceci n'est pas non plus ma dernière intervention sur le sujet.

Ce n'est pas une affaire personnelle. Il est question de l'ensemble des principes régissant les relations qui conviennent entre les tribunaux et les juges. J'ai commencé à examiner, de nouveau, les débats et les idées qui ont abouti à la création du Conseil de la magistrature. Je puis vous dire qu'au moment de la création du Conseil de la magistrature, je n'avais pas prévu ce genre de difficultés dans la société d'aujourd'hui. Le problème est virtuellement inconnu. Je me demande s'il est totalement inconnu ou si c'est la première fois qu'on en prend publiquement conscience.

Je voudrais me reporter à l'article d'Eddie Greenspan, que j'ai cité il y a quelques instants. Il a fait une observation intéressante. Il a dit qu'il arrive souvent que nombre de plaidants et d'avocats se lancent des insultes ou tiennent des propos qui ne conviennent pas. C'est bien. En l'occurrence, ces plaintes doivent être présentées devant le Conseil de la magistrature. Cependant, j'évoquerai un principe plus profond.

Ce dont il s'agit ici - parce que nous sommes en terrain nouveau -, c'est la possibilité que la préoccupation ait pu mettre le jugement lui-même à risque. Je ne dis pas que j'ai la solution. Je ne fais que soulever la question. À mesure que le débat se poursuit dans l'opinion publique - et quiconque lit les journaux tous les jours peut en suivre le déroulement - , on constate que ce n'est pas une question personnelle. Il s'agit d'un jugement du plus haut tribunal du pays et de déclarations de celui-ci ayant causé un terrible préjudice. J'estime qu'il est temps pour nous de saisir le Parlement de cette question et de commencer à chercher une réponse à ces questions.

(1600)

J'ai observé toute la semaine certains des juristes aux prises avec cette question. À plus long terme, un seul fait s'imposera aux gens: le seul tribunal qui ait autorité en tout au Canada est ce tribunal-ci, le plus haut tribunal du pays. C'est tout ce que je rappelle aux gens.

J'ai reçu des douzaines d'appels téléphoniques sur ces questions. Les citoyens ordinaires ne comprennent plus que le Parlement est le plus haut tribunal du pays. C'est ce que je m'efforce de faire comprendre de la façon la plus claire possible.

Ces déclarations sont récurrentes. J'ai ici d'innombrables jugements. Un autre magistrat, le juge George Finlayson, de la Cour d'appel de l'Ontario, a tenu des propos semblables. Ces titres sont publiés à la grandeur du pays. Le Toronto Star du 14 octobre 1998 titrait: «Un juge déclare que les personnes accusées d'agression sexuelle ont besoin de protection.» Le juge de la Cour d'appel de l'Ontario a ajouté que de trop nombreuses allégations reposent sur des motifs secrets. Le juge lui-même a tenu ce genre de propos.

J'essaie de vous expliquer qu'il y a un très grand nombre de questions en jeu ici. N'oubliez pas que je n'ai fait qu'un seul discours et que j'ai tenté de couvrir très succinctement beaucoup d'entre elles. J'ai pris soin d'éviter d'aborder le fond de l'affaire, ses mérites et les faits qui s'y rapportent, car je voulais que les sénateurs portent leur attention sur les grands principes en cause. Ce que je veux faire comprendre, c'est que ces questions exigent l'attention du Parlement. Les sénateurs ne peuvent pas se tenir à l'écart de ces questions pendant que le débat fait rage dans la société et que l'affaire est abordée dans tous les talk-show du Canada.

En outre, honorables sénateurs, la situation est très dangereuse lorsque deux juges se querellent et que d'autres juges et la population prennent parti pour un côté ou l'autre.

Ce que je souhaite, c'est que nous commencions à en parler de plus en plus. Sénateur Grafstein, je vous soupçonne d'avoir posé votre question parce que vous n'avez pas de réponse. Vous êtes un avocat très brillant et vous ne posez jamais de questions à moins d'en connaître déjà les réponses.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je ne voulais pas provoquer un débat. J'ajournerai le débat en mon nom et, lorsque nous reviendrons sur ce point, j'essaierai de répondre à ma propre question parce que je ne crois pas que les réponses du sénateur aient été satisfaisantes.

Le sénateur Cools: Le sénateur a soulevé des questions profondes et, en vérité, beaucoup d'entre elles n'ont pas de réponse. C'est ce que j'essaie de dire.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, la coutume ici veut que nous attendions un peu avant de poser d'autres questions à l'orateur. Je voudrais toutefois avoir quelques éclaircissements.

Dans le préambule de son discours, le sénateur Cools a employé les termes «féminisme» et «juge féministe». Elle a employé une phrase que j'ai prise en note, soit que «les féministes ont imposé leur idéologie à la Cour suprême et ont pris d'assaut la Cour suprême».

Pour m'aider à comprendre son exposé, est-ce que le sénateur peut me donner une définition du terme «féminisme»?

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, si je savais de quoi il s'agit, je serais heureuse de vous la communiquer. Je ne fais que reprendre les descripteurs qu'utilisent les gens. Lorsque j'emploie ce terme, j'essaie d'être précise. Lorsque c'est le cas, je tente d'établir une distinction entre une féministe radicale et une féministe égalitaire. Je me décrirais par exemple comme étant une féministe égalitaire. Je crois sincèrement que toutes les femmes sont égales et qu'elles doivent profiter de toutes les occasions qui se présentent. C'est la raison pour laquelle j'ai utilisé le mot «gyno-centrique».

Toutefois, honorables sénateurs, une personne pourrait adopter le point de vue contraire. J'ai justement en main un article du Toronto Star en date du 17 février 1992, dont la manchette est la suivante: «Une féministe américaine se réjouit du programme canadien des victimes de viol». Il s'agit de nouveau d'une entrevue du Toronto Star avec Catharine MacKinnon, qui déclare:

«Dans un contexte d'inégalité de pouvoir (entre les sexes), il faut réfléchir au sens du mot «consentement» et déterminer s'il s'agit d'une notion significative», a dit MacKinnon, qui est âgée de 44 ans, dans une entrevue à l'occasion du symposium du Fonds d'action et d'intervention juridiques pour les femmes, qui est financé par le gouvernement fédéral et qui s'est déroulé à Ottawa.

Je tente de vous faire comprendre que ces termes et expressions ne sont plus, à mon avis, largement interprétés de la même façon par tous. J'en suis convaincue et, de toute évidence, un débat s'impose. Honorables sénateurs, je crois fermement à l'indépendance des femmes. Je me targue d'être une femme indépendante. Toutefois, l'idéologie et le droit ne font pas bon ménage. C'est là ce que je pense.

Ce contre quoi je m'insurge, c'est le fait que certaines personnes font des hypothèses au sujet des relations humaines et qu'elles les posent en idéologie.

Le sénateur Kinsella s'est aussi enquis de l'imposition du féminisme à la Cour suprême. Ce sont là les mots de M. Greenspan. Comme l'honorable sénateur le sait sûrement, M. Greenspan est un des criminalistes les plus en vue de notre pays. Si j'ai soulevé cette question aujourd'hui, c'est pour montrer le débat qui a cours dans tous les journaux et dans toutes les émissions de radio au Canada. Il se passe des choses.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je n'étais pas au courant de la tenue de ce débat avant qu'il ne commence cet après-midi. Les questions n'ont pas été préparées. Les réponses de madame le sénateur Cools montrent simplement à quel point elle s'est bien documentée.

Je vais poser la question différemment. Le sénateur a dit que ce sont les mots de M. Greenspan. Nous devons comprendre que les féministes «ont imposé leur idéologie à la Cour suprême». Est-ce une bonne ou une mauvaise chose?

Le sénateur Cools: Je serais plutôt portée à penser comme M. Greenspan. Nous avons hérité d'un système extraordinaire et d'une série de principes qui font l'envie du monde entier, c'est-à-dire de la démocratie parlementaire, du gouvernement responsable et de l'indépendance du pouvoir judiciaire.

(1610)

Nous devrions nous en tenir à notre secteur de compétence en tant que politiciens et parlementaires, et ils devraient faire de même en tant que juges.

Le sénateur Prud'homme: Bravo!

Le sénateur Cools: Nous décidons des enjeux de politique gouvernementale et ils s'occupent de questions de droit. Ainsi va l'excellent système que j'aime et que je défendrai. Je suis en quelque sorte un soldat du Parlement.

Pour ce qui est de la question des femmes, je crois fermement que les femmes ont beaucoup à contribuer et qu'elles méritent de profiter de toutes les libertés qu'ont pu avoir les hommes. Je vous dirais bien franchement que j'ai toujours insisté pour les prendre. Je remercie Dieu de m'avoir donné des parents dont je suis très fière. Je pense à ma mère qui m'a dit, quand j'étais toute petite, que je devais faire preuve d'indépendance. Elle m'appelait Peter et me disait que si je voyais le troupeau s'emballer et galoper dans une direction, je ne devais pas le suivre, car il se trompait toujours. Elle m'a dit de ne jamais suivre le troupeau.

Tout ce que j'essaie de dire, sénateur Kinsella, et j'ai soulevé ces questions à plusieurs reprises, c'est que quelque chose ne va absolument pas dans ce pays et qu'il y a de nombreuses questions qui ont besoin d'être examinées, voire qu'on y remédie. Il est important qu'on le fasse car je ne comprends pas que les gens ne soient pas frappés par le fait, pourtant évident, que des centaines et des milliers de vies sont ainsi détruites chaque jour.

Le juge McClung a eu tort, à mon avis, d'écrire cette lettre. Je pense que les juges ne devraient pas faire cela. Pourtant, chaque jour, dans les journaux, je vois une manchette disant que tel ou tel juge a fait telle ou telle déclaration. J'aimerais bien savoir pourquoi les règles s'appliquent dans un cas et pas dans l'autre. Existe-t-il une règle pour chacun? Les Canadiens savent que quelque chose ne va pas et attendent que quelqu'un fasse preuve de leadership. À mon avis, en matière de politique, c'est le Parlement qui devrait montrer la voie. Si nous n'examinons pas ces questions maintenant, je vous préviens que le public en est rendu à un stade où il est difficile de le contrôler. Pensez-y.

Je rejette l'idéologie féminisante. Je la rejette fortement, aussi fortement que j'en suis capable. Les êtres humains sont imparfaits. Je ne sais pas ce qu'il en est dans votre cas, mais moi, je suis une pécheresse. Je ne sais pas ce qu'il en est dans votre cas, mais moi, j'ai de gros défauts. Je crois personnellement que la moralité, l'éthique et l'altruisme sont des caractéristiques humaines qu'il faut développer au prix de gros efforts. Il ne suffit pas d'être d'un sexe ou de l'autre pour posséder ces qualités, voilà tout.

Le sénateur Kinsella: Je me demande si le sénateur pourrait m'aider sur un point. Les divers aspects de notre système d'administration comportent un ensemble de règles assez complexe qui régit nos débats et qui peut avoir des répercussions sur les députés, parce qu'ils ont, eux aussi, des traditions et des règlements qui s'appliquent aux questions soulevées à cet endroit et qui nous touchent également. Par conséquent, si nous nous engageons dans ce type de débat, quelles sont les règles de convenance, de vanité ou de bon ordre qui aideraient à définir les paramètres de notre débat, surtout si le débat porte sur la magistrature, dont les membres ne siègent pas à notre chambre et ne peuvent donc pas participer au débat? Plus particulièrement, qu'arrive-t-il si des membres de la magistrature sont nommés, soit par leurs fonctions, soit individuellement ou personnellement?

Je suis donc curieux et je demande ceci au sénateur Cools: comment pouvons-nous nous engager dans ce débat de manière à préserver le degré nécessaire de civisme ou de convenance, de sorte qu'on ne puisse considérer que nous sous-estimons la valeur de l'appareil judiciaire dans notre système? Cela est très important.

Certains pourraient lire les délibérations sur le débat de cet après-midi et en arriver à la conclusion que le Sénat du Canada dénigre des juges. Je crois que le sénateur a utilisé ce terme. Si nous sommes aux prises avec un grave enjeu sociopolitique, nous devons définir les paramètres permettant la tenue du genre de débat auquel le sénateur Cools a fait allusion, pour que nous ne sous-estimions aucunement la valeur d'un pouvoir important de notre gouvernement, le pouvoir judiciaire.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je voudrais souligner deux choses. À mon avis, nous disposons d'un excellent système de règles régissant les rouages et le mode de fonctionnement du Parlement. Par exemple, mon discours d'aujourd'hui était parfaitement en accord avec les règles qui régissent la façon dont nous parlons des juges, des personnes bénéficiant d'une protection, et ainsi de suite. Par conséquent, je soutiens que nous possédons une tradition et un mode de fonctionnement auxquels nous n'avons qu'à recourir.

Deuxièmement, et je ne veux mentionner personne nommément, je crois sincèrement que tout ce qui diminue une partie du système diminue l'autre partie. J'ajouterais aussi que chaque fois que nous faisons l'objet d'attaques ou de déclarations qui diminuent le Sénat, ces mêmes déclarations diminuent en même temps la Chambre des communes. Je sais que l'institution n'est pas populaire de nos jours, mais cela diminue également Sa Majesté la Reine. Je pourrais poursuivre.

Une des choses qui font tristement défaut dans notre société aujourd'hui, c'est que nous voyons très peu de réaffirmation, de réitération et de confirmation d'une série de principes et d'une série de concepts qui nous ont bien servis. Entendons-nous bien, il faudrait un acte de méchanceté, un acte d'imagination et un acte de fiction, et il est possible qu'on puisse combiner les trois pour croire qu'un simple débat comme celui que nous tenons aujourd'hui constitue une tentative de dénigrement des juges.

J'appartiens à la vieille école. Ce serait vraiment à contrecoeur que je voterais au Sénat pour destituer un juge, car j'estime que c'est une décision tellement énorme et pénible qu'elle devrait se prendre rarement. Voilà pourquoi elle n'a été prise que très rarement. C'est à cela que servent les lourdes responsabilités. Elles doivent être exercées uniquement dans des conditions très circonscrites. Je me considère moi-même comme un défenseur de l'indépendance des juges.

Nous avons des règles. Nous ne devons jamais nous en écarter.

Enfin, je voudrais vous citer un discours prononcé par le juge Lamer devant l'Association du Barreau canadien le 23 août 1998, à St. John's, à Terre-Neuve. Il parlait du silence des magistrats. Il disait:

Mais récemment, j'ai commencé à me demander si la tradition du silence s'impose encore. Ma principale préoccupation, ce ne sont pas les juges qui sont critiqués dans la presse ou par des personnalités publiques, mais il me semble que le silence de la magistrature signifie parfois que la population ne peut pas comprendre pleinement ce que font les tribunaux et pourquoi. Le débat public sur des sujets qui se retrouvent devant les tribunaux et, évidemment, sur le rôle du pouvoir judiciaire lui-même ne peut être aussi complet qu'il devrait l'être parce qu'il lui manque habituellement le point de vue du pouvoir judiciaire.

C'est le juge en chef de la Cour suprême qui dit cela. Personnellement, j'estime que c'est tout le pouvoir judiciaire qui parle. D'après ce que je comprends, les juges disent qu'ils veulent jouer un plus grand rôle dans le débat public. Étant une femme politique et entière, et j'ajouterais parfaitement apte au travail, je ne vois pas pourquoi je devrais m'abstenir de prendre part au débat puisque les juges eux-mêmes y participent.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Grafstein, le débat est ajourné.)

[Français]

Question de privilège

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je voudrais profiter de cette occasion pour soulever une question de privilège. À l'article 59 du Règlement du Sénat, il est dit qu'aucun préavis n'est requis pour soulever une question de privilège. Toutefois, je donne avis que la semaine prochaine je le ferai.

C'est la première opportunité qui m'est donnée d'intervenir concernant le dépôt aujourd'hui du huitième rapport du comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure. Comme sénateurs indépendants, et nous sommes maintenant cinq, nous nous sentons affectés par le dépôt de ce rapport qui n'est pas le reflet exact de ce qui s'est passé en comité. Je sais que l'on va me dire que ce qui se passe en comité ne relève pas du Sénat. Je reviendrai de façon plus approfondie sur ce sujet la semaine prochaine.

Je doute fort que lorsqu'une décision a déjà été prise dans un comité, celui-ci puisse la reconsidérer. Cette décision de ne pas procéder en ce qui a trait à la question des sénateurs indépendants a été prise en comité. Je ne blâme pas la présidente du comité, au contraire. J'en dirai plus sur ce sujet la semaine prochaine.

Les indépendants ont été bafoués aujourd'hui par le dépôt de ce rapport. Une décision avait été prise et maintenant, on veut la reconsidérer en comité. Je pense que cela est tout à fait contre les règlements et contre l'intégrité des sénateurs qui veulent participer aux travaux.

Je repète donc que je soulèverai une question de privilège. Je n'insisterai pas aujourd'hui.

(Le Sénat s'ajourne au mardi 9 mars 1999, à 14 heures.)


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